Loukman Konate et Stéphane Mortier
Loukman Konate et Stéphane Mortier, vous publiez aux éditions VAéditions : « Manuel de l’Intelligence économique en Afrique ». Pourriez-vous nous retracer la genèse de l’Intelligence économique en Afrique ?
SM : L’intelligence économique étant de la gestion d’informations stratégiques dans une logique d’accroissement de puissance, on pourrait dire que l’intelligence économique est usitée sur le continent depuis des siècles, de l’Égypte pharaonique au Royaume Kongo en passant par l’Empire du Mali, les nombreux califats ou encore les Royaumes du Burundi et du Rwanda. L’Afrique est loin d’être un continent « sans Histoire » et la recherche de puissance s’y exerce depuis la nuit des temps. Quant à l’intelligence économique telle que définie dans le Rapport Martre en France en 1994, elle n’a que peu pris pied sur le continent.
LK : En effet, il y a bien eu quelques tentatives de mise en place de politiques d’intelligence économique comme par exemple en Algérie, mais cela n’a pas été concluant, c’est ce que développe Mohand Amokrane Belkacemi dans sa contribution au Manuel. Ce pour deux raisons principales. Premièrement le « modèle de l’intelligence économique à la française » n’est pas exportable tel quel sur des territoires aux réalités bien différentes de celles des pays européens. Il s’agit là d’une problématique d’intelligence culturelle. Deuxièmement, le continent africain est en proie à de nombreux conflits, ce qui place les priorités à d’autres niveaux. C’est d’ailleurs une erreur, car l’intelligence économique apporte également des solutions en matière de sécurité comme le décrivent Ziad Hajar et Peer De Jong dans le Manuel.
Quelles sont les initiatives actuelles pour faire de l’IE Africaine un outil efficace au service des États et des organisations économiques.
LK : Plusieurs initiatives fleurissent sur le continent. Nous pouvons citer les Assises africaines de l’intelligence économique et le Portail africain de l’intelligence économique et stratégique, pilotés par François Jeanne-Beylot, lui-même contributeur au Manuel. Également le Débat africain de l’intelligence économique initié par Stéphane et moi-même. Dans quelques semaines nous lancerons également de manière officielle l’Institut africain de la réflexion stratégique qui a pour vocation la réflexion partagée sur les grands enjeux stratégiques du continent et la production de connaissance. Les initiatives ne manquent donc pas, mais beaucoup de travail reste à accomplir.
SM : Je pense qu’au niveau des États et des Institutions régionales, une prise de conscience de l’apport de l’intelligence économique dans les politiques publiques économiques ou de développement est en train de s’opérer. Le fait que le Manuel ait été préfacé par le Secrétaire Permanent de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, Sibidi Emmanuel Darankoum, n’est pas du tout anodin. De même, les autorités ivoiriennes, La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, la Marine nationale sénégalaise… ont accueilli avec beaucoup d’enthousiasme le Manuel.
Pensez-vous que dans le monde en crise, l’Afrique puisse devenir un acteur plutôt que de subir la prédation et la guerre économique.
LK : Notre credo c’est que l’Afrique peut être un acteur majeur sur la scène mondiale. Les différents projets de l’Union Africaine au premier desquels la zone de libre-échange continentale (ZLECAF) ouvrent la voie à de belles perspectives bien que beaucoup reste à faire. Lorsqu’on connaît le potentiel du continent en capacité de production de matières premières (pétrole, gaz, cobalt, cuivre, or, métaux rares, diamants…), de production agricole (très peu de terres cultivables sont aujourd’hui exploitées), de production d’électricité (le potentiel hydroélectrique est considérable -voir le projet Inga III en République Démocratique du Congo),… Ajoutons à cela une façade maritime énorme. Tout est là pour faire de l’Afrique un acteur important de la guerre économique et non plus un terrain de bataille de cette dernière !
SM : Nous sommes convaincus que l’intelligence économique est un bon vecteur pour réveiller les consciences africaines en vue d’un véritable développement stratégique du continent. Les enjeux ne manquent pas et un mode de raisonnement par l’intelligence économique semble être totalement approprié pour y réponde. L’intégration régionale et continentale peuvent aisément être renforcée d’un point de vue stratégique si l’on en fait une lecture par l’intelligence économique. In fine, il s’agit de faire de l’Afrique un continent autonome, libéré des financements extra-africains et positionné sur la scène stratégique.
Quels sont les apports de votre ouvrage à la culture de l’IE et des savoirs de l’Afrique sur le sujet ?
SM : Le Manuel a pour objectif de diffuser une culture de l’intelligence économique sur le continent africain. Un ouvrage dédié à l’Afrique auquel ont participé 30 spécialistes africains et européens, de 11 nationalités est une première en matière d’intelligence économique. Adossé à d’autres initiatives comme celles mentionnées ci-dessus, le Manuel est un véritable outil d’influence, une référence qui marque et marquera sans nul doute les esprits des spécialistes, des décideurs, des académiques, des opérateurs économiques, des jeunes entrepreneurs… Nous sommes convaincus que ce Manuel constitue un point de départ vers de belles et grandes initiatives pour l’Afrique.
LK : Je ne peux abonder que dans le sens de mon camarade et ami, nous avons d’ores et déjà reçu des sollicitations de décideurs suite à la publication du Manuel : le processus semble engagé. Nous avons également remarqué un attrait particulier de la part des juristes africains pour lesquels des enjeux tels que le droit des affaires, la propriété intellectuelle, les données personnelles, le commerce numérique, la lutte anti-corruption, les accords de libre-échange… sont des enjeux majeurs. Le milieu militaire est particulièrement enthousiaste également, car confronté à de nombreux enjeux stratégiques, tant dans les airs que sur mer et bien entendu sur terre. Bref tous les acteurs publics peuvent y trouver un intérêt, à l’instar de tous les acteurs économiques. Le Manuel de l’intelligence économique en Afrique leur est avant tout destiné.
SM : L’intelligence économique étant de la gestion d’informations stratégiques dans une logique d’accroissement de puissance, on pourrait dire que l’intelligence économique est usitée sur le continent depuis des siècles, de l’Égypte pharaonique au Royaume Kongo en passant par l’Empire du Mali, les nombreux califats ou encore les Royaumes du Burundi et du Rwanda. L’Afrique est loin d’être un continent « sans Histoire » et la recherche de puissance s’y exerce depuis la nuit des temps. Quant à l’intelligence économique telle que définie dans le Rapport Martre en France en 1994, elle n’a que peu pris pied sur le continent.
LK : En effet, il y a bien eu quelques tentatives de mise en place de politiques d’intelligence économique comme par exemple en Algérie, mais cela n’a pas été concluant, c’est ce que développe Mohand Amokrane Belkacemi dans sa contribution au Manuel. Ce pour deux raisons principales. Premièrement le « modèle de l’intelligence économique à la française » n’est pas exportable tel quel sur des territoires aux réalités bien différentes de celles des pays européens. Il s’agit là d’une problématique d’intelligence culturelle. Deuxièmement, le continent africain est en proie à de nombreux conflits, ce qui place les priorités à d’autres niveaux. C’est d’ailleurs une erreur, car l’intelligence économique apporte également des solutions en matière de sécurité comme le décrivent Ziad Hajar et Peer De Jong dans le Manuel.
Quelles sont les initiatives actuelles pour faire de l’IE Africaine un outil efficace au service des États et des organisations économiques.
LK : Plusieurs initiatives fleurissent sur le continent. Nous pouvons citer les Assises africaines de l’intelligence économique et le Portail africain de l’intelligence économique et stratégique, pilotés par François Jeanne-Beylot, lui-même contributeur au Manuel. Également le Débat africain de l’intelligence économique initié par Stéphane et moi-même. Dans quelques semaines nous lancerons également de manière officielle l’Institut africain de la réflexion stratégique qui a pour vocation la réflexion partagée sur les grands enjeux stratégiques du continent et la production de connaissance. Les initiatives ne manquent donc pas, mais beaucoup de travail reste à accomplir.
SM : Je pense qu’au niveau des États et des Institutions régionales, une prise de conscience de l’apport de l’intelligence économique dans les politiques publiques économiques ou de développement est en train de s’opérer. Le fait que le Manuel ait été préfacé par le Secrétaire Permanent de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, Sibidi Emmanuel Darankoum, n’est pas du tout anodin. De même, les autorités ivoiriennes, La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, la Marine nationale sénégalaise… ont accueilli avec beaucoup d’enthousiasme le Manuel.
Pensez-vous que dans le monde en crise, l’Afrique puisse devenir un acteur plutôt que de subir la prédation et la guerre économique.
LK : Notre credo c’est que l’Afrique peut être un acteur majeur sur la scène mondiale. Les différents projets de l’Union Africaine au premier desquels la zone de libre-échange continentale (ZLECAF) ouvrent la voie à de belles perspectives bien que beaucoup reste à faire. Lorsqu’on connaît le potentiel du continent en capacité de production de matières premières (pétrole, gaz, cobalt, cuivre, or, métaux rares, diamants…), de production agricole (très peu de terres cultivables sont aujourd’hui exploitées), de production d’électricité (le potentiel hydroélectrique est considérable -voir le projet Inga III en République Démocratique du Congo),… Ajoutons à cela une façade maritime énorme. Tout est là pour faire de l’Afrique un acteur important de la guerre économique et non plus un terrain de bataille de cette dernière !
SM : Nous sommes convaincus que l’intelligence économique est un bon vecteur pour réveiller les consciences africaines en vue d’un véritable développement stratégique du continent. Les enjeux ne manquent pas et un mode de raisonnement par l’intelligence économique semble être totalement approprié pour y réponde. L’intégration régionale et continentale peuvent aisément être renforcée d’un point de vue stratégique si l’on en fait une lecture par l’intelligence économique. In fine, il s’agit de faire de l’Afrique un continent autonome, libéré des financements extra-africains et positionné sur la scène stratégique.
Quels sont les apports de votre ouvrage à la culture de l’IE et des savoirs de l’Afrique sur le sujet ?
SM : Le Manuel a pour objectif de diffuser une culture de l’intelligence économique sur le continent africain. Un ouvrage dédié à l’Afrique auquel ont participé 30 spécialistes africains et européens, de 11 nationalités est une première en matière d’intelligence économique. Adossé à d’autres initiatives comme celles mentionnées ci-dessus, le Manuel est un véritable outil d’influence, une référence qui marque et marquera sans nul doute les esprits des spécialistes, des décideurs, des académiques, des opérateurs économiques, des jeunes entrepreneurs… Nous sommes convaincus que ce Manuel constitue un point de départ vers de belles et grandes initiatives pour l’Afrique.
LK : Je ne peux abonder que dans le sens de mon camarade et ami, nous avons d’ores et déjà reçu des sollicitations de décideurs suite à la publication du Manuel : le processus semble engagé. Nous avons également remarqué un attrait particulier de la part des juristes africains pour lesquels des enjeux tels que le droit des affaires, la propriété intellectuelle, les données personnelles, le commerce numérique, la lutte anti-corruption, les accords de libre-échange… sont des enjeux majeurs. Le milieu militaire est particulièrement enthousiaste également, car confronté à de nombreux enjeux stratégiques, tant dans les airs que sur mer et bien entendu sur terre. Bref tous les acteurs publics peuvent y trouver un intérêt, à l’instar de tous les acteurs économiques. Le Manuel de l’intelligence économique en Afrique leur est avant tout destiné.
Sous la direction de :
Loukman KONATE : CEO d’AFRIBOS Consulting, fondateur et organisateur du Débat africain de l’intelligence économique, diplômé de l’Université Paris-Dauphine et de l’École de Guerre Économique, enseignant à l'IAE-Nice et à l'INSEG (Paris) .
Stéphane MORTIER : Docteur en sciences de gestion, enseignant à l’École de Guerre Économique, Université de Likasi (RDC), membre de la communauté des chercheurs de la Gendarmerie (CREOGN).
Loukman KONATE : CEO d’AFRIBOS Consulting, fondateur et organisateur du Débat africain de l’intelligence économique, diplômé de l’Université Paris-Dauphine et de l’École de Guerre Économique, enseignant à l'IAE-Nice et à l'INSEG (Paris) .
Stéphane MORTIER : Docteur en sciences de gestion, enseignant à l’École de Guerre Économique, Université de Likasi (RDC), membre de la communauté des chercheurs de la Gendarmerie (CREOGN).